

Mai 2025
Parfois, il suffit de deux souffles pour ouvrir un monde. Le duo Saxicola Rubi, composé des acrobates du vent Dirk Vogeler et Laurent Rochelle, nous invite avec Vagabondages à abandonner la ligne droite, à préférer les chemins de traverse, à se perdre pour mieux écouter. Leur nouvel album, véritable archipel sonore, tisse un jazz qui serpente entre les mondes, tantôt buissonnier, tantôt baroque, toujours poétique.
Dès les premières mesures du morceau éponyme, Vagabondages, une impression saisissante s’impose : celle d’un dialogue sans paroles, d’une errance complice où les timbres se frôlent, se répondent, se cherchent. Le souffle profond de la clarinette basse, mat et tellurique, se glisse sous les spirales cristallines du sax soprano, dans un équilibre subtil entre gravité et envol. La musique ne raconte pas ici une histoire linéaire, elle suggère des paysages – des forêts humides où le silence pèse, des places ensoleillées baignées de murmures, des rues étroites où l’on suit un chat invisible.
Dirk Vogeler et Laurent Rochelle tissent leur dialogue avec une pudeur singulière. Pas de démonstration, pas d’esbroufe : juste deux souffleurs, face à face, miroir sonore. Chacun sait se taire pour laisser parler l’autre. Chacun sait se fondre dans la vibration commune. Ils osent le minimalisme, le vide habité. Ce duo est une respiration à deux poumons. Parfois, on ne sait plus qui joue quoi — et ce mystère est une part essentielle de la beauté du projet. L’album progresse comme une constellation libre. Ballade Pour Betty, douce et rétrospective, semble s’adresser à une mémoire intime. Saxi Blues glisse un sourire bleuté au coin de la bouche, tandis que Le Vol du Papillon conclut l’album sur une légèreté presque tactile : la note devient aile, la mélodie s’élève, se plie, virevolte, puis s’évapore.
Ce qui frappe, au-delà de la virtuosité des deux musiciens, c’est leur capacité à écouter l’espace entre les notes. Dans ces silences fragiles, l’auditeur entend presque le battement d’ailes d’un oiseau caché – peut-être ce Saxicola rubi, le tarier pâtre qui a donné son nom au duo, passereau discret à la gorge rousse, sentinelle des landes et des lisières. À l’instar de cet oiseau, leur musique veille sur les zones marginales, celles qu’on ignore mais qui regorgent de vie. Nés du jazz mais sans attache fixe, les deux musiciens forment un palindrome vivant, tant par leur instrumentation symétrique que par leur parcours atypique. L’un (Vogeler) s’est forgé dans les fanfares et le théâtre allemand, l’autre (Rochelle) navigue avec aisance entre marionnettes, soundpainting et Tao. Ensemble, ils font éclore un jardin acoustique où la clarinette basse et le sax soprano ne sont plus simplement des instruments, mais des personnages, des voix, des guides.
Et si Vagabondages était une cartographie du rêve ? Une cartographie sonore d’un monde qui n’existe que lorsque l’on cesse de chercher des directions ? Chez Saxicola Rubi, on ne va nulle part. On s’égare avec joie. On flotte. Et ce flottement, justement, devient acte de résistance : dans une époque pressée, leur musique invite à ralentir, à respirer, à errer avec élégance. Au fil de l’album, les compositions se succèdent comme des haïkus instrumentaux. On devine ici une barque sur un canal brumeux, là un escalier en colimaçon menant à un grenier oublié. Vagabondages n’est pas un album à consommer, mais à habiter, à fréquenter, à apprivoiser – comme un jardin sauvage.
Ce n’est pas du jazz de vitrine, ni de l’expérimental élitiste : c’est une musique organique, sensible, narrative, qui laisse au silence toute sa place et au timbre toute sa vérité. Saxicola Rubi signe ici un manifeste poétique : celui d’un jazz en liberté, d’un monde sans frontières, où la clarinette basse creuse et le saxophone s’élève – ensemble, toujours. Leur Vagabondages est une invitation à l’égarement lucide, à la beauté fugace, à l’ivresse tranquille. On en ressort changé. Ou du moins un peu plus vivant.

A la sortie du disque chez Linoleum, il sera présenté chez France Musique par Nicolas Pommaret
dans l'émission "Au coeur du jazz".

mai 2025
Les deux souffleurs Laurent Rochelle et Dirk Vogeler s'étaient retrouvés sur un premier album, "Ornithologismes", qui avait su séduire nombre de mélomanes. Les voici qui réitèrent avec "Vagabondages", un second opus encore plus beau. On le conseillera de fait à celles et ceux qui aiment les cheminements musicaux exaltants. Car ici, l'orchestration - entre saxophones soprano et clarinettes bassse - , constitue l'architecture de ce projet. C'en est même l'ADN et c'est très heureux ainsi puisque les équilibristes ne mettent jamais un pas dehors. Pas plus qu'ils ne tremblent et qu'ils ne s'aventurent - et nous avec - sur des morceaux percutants, comme par exemple "Hubbelpiste" ou "La ligne bleue"; ou sur des choses très mélodiques tel ce "Suzuran" qui ouvre le disque. Ils revisitent par ailleurs trois compositions de Bach avec une liberté qui vient à point. C'est la patte de musiciens qui maîtrisent leurs propos et les chemins qui y mènent. Tout est très poétique et aérien, à l'instar du "Vol du papillon" qui clôt ce très beau disque de Saxicola Rubi. Amis mélomanes, vous serez comblés !
Gilles Gaujarengues

Alain Fleche / 10 avril 2021
DIRK VOGELER, LAURENT ROCHELLE : Clarinette basse, Sax soprano
Promenons-nous dans les bois… Bois chantant et enchanteurs. Bois des clarinettes et des anches. Bois où nichent et s’ébrouent des volatiles bavards. Le titre de l’album est moins une référence à C.Parker, malgré la large place dévolue à l’improvisation, les mesures syncopées, les courtes mais attachantes mélodies distillées tout au long du disque, et ce fameux swing, étalon du mode Jazz qui permet le balancement du corps, et crée l’urgence du discours, qu’un rapprochement vers d’autres passionnés des chants oiseaux : O.Messian, E. Dolphy ou D.Cherry !
Bois touffus ou clairsemés hébergeant des babillements fiévreux, des piaillements obsédants, la folie douce s’émancipant des lois de la gravité, des prises de becs rapidement résolues par l’entente naturelles nécessaire à la poursuite d’un projet commun : traduire la joie et la sérénité d’une promenade en dehors de la civilisation humaine, et, croyons-le, ce n’est que du bonheur que de s’éloigner un instant des obligations, des conflits, compétitions et intérêts humains divers, même si la nature n’est pas toujours tendre avec les espèces soumises aux lois de la survie…
Deux soufflants, donc, nourris d’une formation classique, lorgnant vers le Trad. élargie par le World, un peu de Rock, une pointe de latino, un gros penchant pour la liberté Jazz, c’est finalement leur talent de compositeurs-improvisateurs qui les réunit un beau jour de 2018. Et leur penchant champêtre (!?) Bonne idée que de nous balader parmi des senteurs de mousse, brindilles et fleurs sauvages qui iront à la construction de nids où naît la vie, pleines de sons, d’émotions, de rencontres… et d’amour d’être ensemble !
Saxicola Rubí et nos voisins du nord
Le duo occitan a présenté son premier album à l'Institut Francais de Barcelone.
Ruta del Jazz / 18 février 2021 / Marti Ferré
Il y a quelques années, l'Institut français était l'un des lieux du Barcelona Jazz Festival. Dans cette institution emblématique, le public a pu profiter de certaines des propositions les moins connues du festival. C'étaient celles qui venaient des Pyrénées au-delà, d'une des scènes les plus intéressantes de toutes, la française, digne représentant de ce que l’on pourrait qualifier de «jazz européen». Au cours de ces années, l'auditorium très fonctionnel de l'Institut français de Barcelone a été témoin de nuits glorieuses, comme celles du groupe formé ad hoc par Louis Sclavis et Michel Portal, entre autres, avec des projections du photographe Guy Le Querrec; ou la visite du batteur Daniel Humair, maître dans son art, ou celle du saxophoniste Sylvain Cathala, avec la grande Sarah Murcia à la contrebasse; ou celle du superbe duo formé par Émile Parisien (saxophone) et Vincent Peirani (accordéon).
À quelques exceptions près, le jazz de la francophonie traverse à peine les Pyrénées, ou l'Himalaya, selon l'ami et grand photographe Joan Cortès. Il faut donc s’arrêter sur des événements tels que le Jazzèbre de Perpignan, pour profiter d'un large éventail de propositions magnifiques de nos voisins du Nord. Une vraie honte, si vous voulez, ou, si vous préférez, une occasion de vous faire plaisir avec la vie culturelle de la Catalogne et, puisque nous y sommes, du sud de l'Hexagone, pour commencer.
De temps en temps, cependant, en dehors du paragraphe précité du Barcelona Jazz Festival, on trouve des surprises sur le programme, comme la visite, le 11 février, du duo occitan Saxicola Rubí. Formée de deux souffleurs, Laurent Rochelle et Dirk Vogeler, Saxicola Rubi doit son nom à un oiseau du même nom, saxicola rubicola, également connu ici sous le nom de tarier pâtre. Rochelle et Vogeler font de la musique inspirée de l'univers ornithologique, un fait très courant dans le domaine du jazz, mais en aucun cas ils n'entendent le lier, par exemple, à la figure de Charlie Parker.
La proposition de Saxicola Rubí n'a pas grand-chose à voir avec l'œuvre du genial Bird. Ils abordent plutôt l'univers de l'hétérodoxie du jazz, de l'hybridisme et surtout du timbre, de l'exploration stylistique, à partir des instruments avec lesquels ils font de la musique: la clarinette basse, d'une part, et le saxophone soprano, d'autre part. Ce n'est qu'en quelques titres précis qu'ils combinent le saxophone avec la clarinette. Rochelle et Vogeler définissent sa proposition comme un «palindrome musical». Ils utilisent également des termes tels que «miroir» pour décrire ce qui est en fait une sorte de tête à tête entre les deux instrumentistes: de l'unisson à la complémentarité, au changement des fonctions tour à tour.
Ils se sont produits pour la première fois à Barcelone et l'ont fait pour présenter leur premier album, Ornithologismes (Linoleum, 2020), inspiré, comme nous l'avons dit, du monde des oiseaux. En fait, on pourrait parler d'un certain goût pour l'aménagement paysager, pour la préciosité aussi, et avec un certain lyrisme, peut-être plus lié au vol d'un oiseau qu'à sa morphologie. Il y eut aussi des réminiscences qui nous conduisirent, au passage, dans le monde de ses compatriotes Sclavis et Portal. Par exemple dans des compositions telles que «Feirabend» ou «Morgen».
Des thèmes courts, les leurs, presque des chansons, séquentielles et souvent avec des fins abruptes, qui n'étaient pas toujours d'esprit Sclavis ou Portal. Pas en vain, il serait injuste d'ignorer la personnalité de Rochelle et Vogeler en tant que créateurs. De plus, de temps en temps, on nous servait des contrepoints surprenants, comme "Midi nonante", un morceau joyeux, aux airs presque caribéens, nettement différent du ton profond et mélancolique d'une bonne partie du répertoire.
"Midi nonante" et presque le reste des compositions se sont démarqués par leur précision mélodique et leur dynamisme rythmique. Dans l'ensemble, le tout reposant sur une conception basée sur la nudité, la symétrie et, bien sûr, la complicité entre les deux interprètes. Outre les chansons précitées, des morceaux tels que «Moon Talk», «Caravan Blue» ou le très cinématographique «La mélodie du Tao» ont été joués.
Saxicola Rubi a rouvert l'activité culturelle en direct de l'Institut français, suspendue depuis septembre dernier. Félicitations au public pour célébrer la reprise des spectacles avec un choix comme celui-ci. Et si vous me le permettez, un souhait: j'espère qu'un jour les propositions de nos voisins ne seront pas si chères à voir.
https://www.nuvol.com/la-ruta-del-jazz/saxicola-rubi-i-els-nostres-veins-del-nord-155665

" un disque extrêmement séduisant" Alex Duthil Open jazz décembre 2020
Pour la sortie de leur disque chez Linoleum / inouïe,
le duo Saxicola Rubi sera diffusé sur FRANCE MUSIQUE dans l'émission OPEN JAZZ d'Alex Duthil
https://www.francemusique.fr/jazz/jazz-bonus-saxicola-rubi-ornithologismes-90459

novembre 2020
"Laurent Rochelle est un habitué des formes poétiques originales, de celles qu'on ne croise pas sur toutes les scènes et qui montrent que la musique est polyforme et multimodale. Cet "Ornithologismes" est de cet acabi." Gilles Gaujarengues
Saxicola Rubi ouvre la saison de Millau en Jazz
8 janvier 2020 Journal de Millau
CONCERT C’est Saxicola Rubi qui va avoir la lourde tâche d’inaugurer la saison 2020 de Millau en Jazz, ce vendredi 10 janvier à 20h30 au CREA.
Saxicola Rubi, c’est la rencontre de deux « souffleurs » et improvisateurs pour un dialogue entre sax soprano et clarinette basse. Tels deux oiseaux sur une branche, Dirk Vogeler et Laurent Rochelle, l’un Saxicola l’autre Rubi, tissent d’infinis discours tels des aventuriers acrobates sur les branches de l’improvisation.
Dirk Vogeler relie le traditionalisme à un jeu personnel, qui fait de lui un mélodiste libre dans différents styles, s’exprimant aux saxophones ténor et soprano et à la clarinette basse. Il débute ses études de saxophone en Allemagne et poursuit son chemin de manière autodidacte. Il joue avec Going Gaga, Giant Steps, Slang, Schräg, Esencia Latina, Adhocquartet et Mandiwa. Alors que sa passion pour la composition se confirme, il rencontre son futur acolyte Laurent Rochelle, avec lequel il crée le duo.
Au début de son parcours musical, Laurent Rochelle écrit pour des formations en tant que leader et réalise de nombreuses tournées en France et à l’étranger. En 2003, il crée son propre label. Il compose depuis pour différents projets (Okidoki, Prima Kanta…) et joue avec Marc Sarrazy, Didier Labbé et Catherine Vaniscotte. C’est en 2018 que l’idée de Saxicola Rubi apparaît.
Du jazz « haute voltige » pour un moment de complicité tout en arabesques. Ces deux oiseaux enchanteurs sauront vous séduire.
En première partie sera présenté l’ensemble de la saison.
https://www.journaldemillau.fr/2020/01/08/saxicola-rubi-ouvre-la-saison-de-millau-en-jazz/
